Jeudi 27 avril 2023

Mieux Vivre Votre Argent, Eavest intervient !

Placements : des produits structurés pour gagner de l’argent ?

Mieux Vivre Votre Argent, avril 2023.

Ces fonds complexes peuvent apporter un rendement intéressant en limitant voire en gommant une prise de risque. Mais attention à bien comprendre leurs subtilités avant d’y souscrire. Sinon gare aux déceptions. Enquête : Audrey Spy

Garantir votre capital ! Telle est la pro­messe de certains produits structurés depuis l’an passé. La remontée des taux d’intérêt en 2022 a offert de nouvelles marges de manœuvre aux concepteurs de ces fonds, baptisés aussi « à for­mule », pour offrir cette protection. Pour bénéficier de conditions attractives, les structurés ont en effet besoin de deux ingrédients sur les marchés: de la volatilité et des taux élevés. Deux paramètres qui sont réapparus l’an passé et qui perdurent cette année.
Pour autant, ces produits souvent très complexes sont-ils vraiment une aubaine pour les épargnants ? « Depuis le Covid, on assiste à un véritable engouement pour les produits structurés, ces derniers ayant bien tenu leur promesse lors des périodes de fortes incertitudes sur les marchés», témoigne Franck Magne, fondateur du cabinet de conseil en produits structurés Eavest.

Il est vrai que les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) sont les premiers à mettre en avant cette classe d’actifs. Désormais, ils sont rejoints par bon nombre de compagnies d’assurance vie qui en proposent dans leur offre d’unités de compte. Même des fintech, comme Cashbee ou Mon Petit Placement, en ont lancé. L’assu­rance vie constitue en effet l’enveloppe privilégiée pour investir dans les structurés, le ticket d’entrée s’élevant alors seulement à 1000 euros. Le compte-titres est une autre option, mais dans ce cas, il faudra un minimum de 100 000 euros. Plus marginalement, il est parfois pos­sible d’y investir via un plan d’épargne en actions (PEA). Quel que soit le support, les distributeurs vous poussent à vous décider vite pour souscrire. Ces produits ont généralement une fenêtre de commercialisation assez courte, de quelques semaines. Avant de vous précipiter, voici sept points à connaître.

.

Comment ça marche ?

Les structurés offrent une alternative entre fonds en euro et actions

Les produits structurés ont une place à part dans l’univers des fonds. « Ils se positionnent à mi-chemin entre une action et une obligation», estime Clément Pochard, président de la société de conseil en investissement Exclusive Partners. Contrairement aux fonds plus tradi­tionnels, les structurés ne sont pas conçus par des gérants. « Des ingénieurs financiers ou mathématiciens créent une formule mathématique en fonction des condi­tions de marché », précise Brice Gimeno, président de DS Investment Solutions, filiale du groupe Primonial concevant des structurés. Cette formule est conditionnée à l’évolution d’un sous-jacent (voir lexique, p. 63) qui peut être une action, un indice, une obligation… Plutôt que d’investir en direct sur les marchés, il s’agit donc d’une solution intermédiaire.

« Les produits structurés offrent une alternative entre le fonds en euros et une action, ajoute Brice Gimeno. Avec ce type de fonds, je ne vais pas pouvoir capter toute la hausse des marchés, mais le capital peut être garanti à l’échéance, ou, le plus souvent, protégé contre un certain niveau de baisse des marchés.» Actuelle­ment, de nombreux produits proposent par exemple de s’ex­poser à l’Euro Stoxx 50, l’indice de référence pour les grandes valeurs européennes. Si à la date d’anniversaire du pro­duit, l’indice est stable ou en hausse, le produit est rem­boursé avec un coupon. Si l’indice est en baisse, le pro­duit est reconduit et le coupon est conservé en mémoire et sera reversé lors de la prochaine date de constatation favorable (voir infographie page suivante). Si à terme, l’in­dice perd plus que la protection offerte, alors le produit est perdant.

Ingénieux, ces fonds n’en restent pas moins com­plexes. Ils utilisent, entre autres, des dérivés dans leur fonctionnement. « Les produits structurés sont composés de deux blocs, précise Pauline Hampartzounian, direc­trice des produits structurés chez Cyrus Conseil. D’une part, ils contiennent une partie obligataire (le plus souvent un EMTN ou Euro Medium Term Notes, soit un titre de créance émis par la banque qui construit le produit) permet­tant de garantir ou de protéger le capital investi, et d’autres part d’acheter la seconde composante du produit. Ce second bloc est composé d’options, c’est-à-dire des contrats d’achat ou de vente d’un actif, permettant d’apporter la perfor­mance au sein du placement. » Dans leur très grande ma­jorité, les produits structurés sont donc émis par des banques, en particulier leur division de financement et d’investissement : BNP Paribas, Société Générale, Goldman Sachs, Morgan Stanley… Ces dernières peuvent en lancer de leur propre chef ou être missionnées par un courtier, un conseiller en patrimoine, un family office pour créer des produits sur mesure.

.

Quel sous-jacent ?

Il existe une grande diversité de produits. La première étape consiste à bien regarder le sous-jacent d’un struc­turé. C’est son moteur de performance. « Tout ce qui est coté et liquide peut être utilisé comme sous-jacent», précise Brice Gimeno. L’inventivité des concepteurs n’a donc pas de limite dans ce domaine. Ils peuvent utiliser des fonds, des devises, des matières premières. Assez classique­ment, ils se tournent surtout vers des actions. « Nous avons pu créer, dans des phases de marché très volatiles, un produit structuré sur l’action Netflix qui offrait un coupon potentiel de 30 % chaque année dès lors que le cours de l’action progres­sait sur un an », illustre Guillaume Dumans, cofondateur de la plate-forme dédiée à la créa­tion de structurés, Feefty. Mais attention, s’exposer à l’évolu­tion d’un seul titre peut être très risqué.
Pour mieux diversifier votre investissement, privilé­giez les indices. Mais là encore, soyez vigilant. Rares sont les produits structurés à utiliser des indices classiques. Ce sont généralement des indices synthétiques, remaniés par rapport au benchmark habituel. Ils sont parfois construits en utilisant une équipondération des titres (on retrouve dans leur dénomination le sigle EW ou equal weight en anglais), c’est-à-dire qu’ils ne prennent pas en compte la capitalisation boursière de chaque valeur, mais accordent à chacune un poids identique.

Autre particularité : le traitement des dividendes y est différent. « 80 % des produits structurés utilisent aujourd’hui comme sous-jacents des indices ou des actions à « décrément », commente Franck Magne. Ce décrément signifie que la banque retranche un montant de dividende fixe à l’action ou à l’indice et reçoit le dividende effectivement payé. » Cette technique permet à l’établissement de réduire sa propre prise de risque. Il n’a pas besoin alors de souscrire à des options pour couvrir le dividende, ce dernier étant déterminé dès le départ.

« Les produits construits sur des indices intégrant un décrément font peser un risque supérieur sur la performance de l’indice pour l’investisseur, mais ils permettent de construire des produits plus attractifs en termes de coupons et de garanties », sou­ligne Jean-Charles Crucis, directeur d’Adequity, filiale de la Société Générale dédiée aux structurés pour les CGP.
L’indice original et celui à décrément affichent souvent des performances différentes. Si le benchmark usuel détache in fine un dividende de 3,5 %, alors que l’indice à décrément opte pour 5 %, la sous-performance annuelle atteint 1,5 point. Sur le long terme, cela peut représenter un écart important et mettre en péril le capital. « Il faut donc s’assurer que le retrait du dividende soit cohérent avec le montant qui sera effectivement versé », remarque Clément Pochard. En clair, vérifiez que le montant du dividende anticipé n’est pas trop élevé. Une tâche difficile surtout si le décrément est calculé en points et non en pourcentage.

.

Quel est leur intérêt ?

L’intérêt des produits structurés réside surtout dans leur capacité à offrir du rendement même en cas de baisse des marchés. « C’est la seule classe d’actifs pour laquelle un conseiller peut annoncer une bonne nouvelle en cas de chute boursière», souligne Jean-Charles Crucis. Principal avan­tage mis en avant aujourd’hui: leur rendement. En 2022, les produits structurés ont rapporté entre 6 à 8 % (voir infographie ci-contre). Une performance qui s’entend net de frais de construction mais brut de frais d’enveloppe (frais de versements, de gestion des UC… ) et de fiscalité (30% sur un compte-titres par exemple). Cette moyenne cache toutefois d’importants écarts. Les produits les plus sécurisés pouvant offrir du 2 à 3 %, contre 10 fois plus pour les plus risqués.

En outre, ces fonds ont bien tenu leur promesse ces dernières années. « Moins de 3 % des produits structurés de type autocall en Europe affichent une perte en capital sur dix ans, selon le fournisseur de données SRP (Structured Retail Products)», rappelle Jean-Charles Crucis. Il est vrai que les conditions de marché étaient plutôt favorables. Ces produits ont aussi tendance à s’adapter au contexte. « Aujourd’hui, nous ne proposons pas les mêmes stratégies qu’il y a cinq ou dix ans », confirme Pauline Hampartzounian.

Dernier atout : leur mécanique, si elle est bien com­prise, permet de déterminer à l’avance la performance qui sera délivrée quand les Bourses montent ou baissent. « Certains épargnants ont été très déçus par la gestion active en 2022, notamment par les fonds diversifiés, souligne Franck Magne. Avec un produit structuré, au moins, il n’.Y a pas d’erreur de jugement sur les marchés possible, vu qu’il s’agit de l’application d’un contrat de performance connu dès le départ. »

Pour des investisseurs très prudents, les produits structurés à capital garanti constituent une bonne option en assurance vie pour limiter une prise de risque. « Cer­tains de nos clients CCP les proposent systématiquement car ils permettent de conserver une garantie à l’échéance du produit même lorsque l’on est obligé d’investir dans des unités de compte», indique Jean-Charles Crucis. Une ga­rantie qui a toutefois un coût. « J:épargnant doit vraiment se poser la question de savoir s’il a besoin de cette garantie, car, in fine, sa performance sera limitée à 4 ou 5 % brut, nuance Brice Gimeno. Un gain somme toute faible au regard de la prise de risque, d’autant que des produits peu risqués, comme certains comptes à terme offrent aujourd’hui déjà plus de 3 %, soit pratiquement le même niveau de rémunération, ajusté des frais.

.

Quels sont les frais ?

A l’image des SCPI ou du private equity, les produits structurés sont très chargés en frais. Ce sont des supports beaucoup plus rémunérateurs pour leurs distributeurs que pour les épargnants! La grande majorité des frais sont directement intégrés dans la construction du pro­duit. Les professionnels les appellent des frais « upfront ». Ils viennent obérer d’emblée le rendement ou le niveau de garantie offert par le produit. Ils sont peu visibles pour les épargnants qui peuvent toutefois avoir une idée de leur niveau dans le document d’informations clés (DIC), en regardant notamment le taux de rendement annuel brut et net. Quelques acteurs affichent toutefois une cer­taine transparence en la matière. C’est le cas du spécialiste des structurés, Hedios, qui annonce sur son site entre 9 et 10 % de coûts internes prélevés au départ. Pour en avoir le cœur net, n’hésitez pas à demander des précisions à vos intermédiaires.
A ces frais, il faut généralement ajouter ceux de l’en­veloppe. En assurance vie, la note peut vite grimper. Vous aurez alors à rétribuer les frais de gestion des unités de compte, qui s’élèvent entre 0,8 et 1 %. Les frais d’entrées peuvent atteindre jusqu’à 5 %, mais sont négociables et pas toujours appliqués. Certains assureurs retiennent aussi des frais d’arbitrage… Difficile d’avoir une vision globale sur ce que coûtent in fine ces produits. En règle générale, les réseaux bancaires ponctionnent beaucoup de frais sur ces fonds, les banques privées un peu moins et les CGP se situent entre les deux.

.

Quelle durée de placement ?

Sur le papier, un produit structuré doit être détenu sur le long terme, souvent dix ans. Mais en réalité, sa durée de vie n’excède pas 18 à 24 mois. La majorité des produits vendus actuellement sont des autocall, c’est-à-dire des produits qui peuvent être rappelés automatiquement, au gré de l’émetteur ou à certaines dates déterminées à l’avance. « Nous travaillons toujours pour qu’un produit soit le plus rapidement remboursé, l’investisseur récupère alors son capital avec un coupon et peut ré­investir dans un autre produit, permettant une gestion agile et adaptable au contexte », détaille Pauline Hampartzounian. Une approche largement partagée par les professionnels: « Cela offre un grand confort de gestion car la durée du place­ment, in fine, peut être courte », indique Brice Gimeno. Cette sortie anticipée peut toutefois être subie par l’épar­gnant qui devra faire des arbitrages réguliers.
S’il ne bénéficie pas d’une fenêtre de sortie program­mée et du débouclage du fonds, l’investisseur peut toute­fois se désengager d’un produit structuré. Mais dans ce cas, le risque de perte en capital est important. « D’abord, l’épargnant n’obtiendra pas la formule promise, et ensuite, le produit sera remboursé à sa valeur de marché », détaille Mouha Ait El Ghachi, responsable de la structuration d’Amundi. Or celle-ci risque d’être fortement dégradée par les frais, notamment durant la première année de vie du produit. « Dans la plupart des cas, la sortie avant le terme ou la date de remboursement du produit se fera en perte, commente Guillaume Dumans. Car un produit structuré est un contrat. En sortant avant la date prévue, le contrat n’est pas respecté et les garanties proposées ne s’exercent donc pas. !:investisseur peut éventuellement être gagnant si le sous-jacent a beaucoup progressé, par exemple si l’indice lié au produit a largement rebondi. » Un cas de figure assez rare compte tenu notamment des règles de construction.

.

Quels sont les risques ?

Si la complexité des produits structurés reste encore élevée, elle a été mieux contrôlée par les régulateurs à la suite des scandales qui ont ébranlé ce marché. Investir dans ces fonds nécessite toutefois de bien en connaître les inconvénients. Or, ils sont nom­breux: risque de marché, de liquidité… Il faut notam­ment bien prendre en compte le risque de crédit sur l’émetteur. Si la banque qui émet le produit venait à faire défaut, le capital serait alors complètement perdu. Un cas extrême, qui ne s’est pas reproduit depuis la faillite de Lehman Brothers en 2008. En revanche, il n’est pas rare qu’une banque voit sa notation de crédit être dé­gradée. Dans ce cas de figure, la valeur du produit va automatiquement se déprécier et une sortie avant terme sera perdante.
Le risque de perte d’une partie de votre capital dans les produits structurés est également bien présent. Il est d’ailleurs souvent mis en avant dans la documentation. Comme mentionné précédemment, ce risque s’avère quasi systématique si vous sortez du produit avant terme. C’est aussi un scénario possible si vous souscrivez à des produits à garantie partielle, c’est-à-dire où le ca­pital est garanti seulement jusqu’à un certain niveau de baisse des marchés. Il n’est pas non plus à exclure en cas de retournement boursier ou de formule mal construite.

.

Quels produits privilégier ?

Tout dépend bien évidemment de votre appétence pour le risque. Pour les profils les plus prudents, il existe actuellement des produits obligataires très peu risqués. Fiez-vous à l’indice synthétique de risque SRRI (sur une échelle de 1 à 7) pour vous repérer. « Nous proposons aujourd’hui une gamme obligataire, comme CA oblig mars 2023, éligible à l’assurance vie et au compte-titres. Il s’agit d’une obligation commercialisée par le Crédit Agri­cole qui offre une garantie en capital associée à un coupon fixe et un coupon bonus lié à la hausse des marchés à l’échéance des cinq ans, détaille Mouha Ait El Ghachi pour Amundi. L’obligation CA Oblig Rappelable offre, quant à elle, un gain fixe de 4,5 % par année écoulée et peut être remboursé avant terme au gré de l’émetteur.»
Les investisseurs plus aguerris peuvent opter pour des produits offrant plus de rendement, liés à des sous-jacent actions. « Nous avons également développé une offre de produits structurés sur des OPCM en partenariat avec des sociétés de gestion afin de profiter de la performance des fonds tout en protégeant le capital en cas de performances négatives », indique Guillaume Dumans. Attention, mieux vaut sélectionner un sous-jacent qui a encore un potentiel d’appréciation.
Autre tendance du moment: l’investissement res­ponsable a gagné le segment des structurés. Bien sou­vent, il ne s’agit que d’un simple vernis car seul le sous-­jacent du produit (une action ou un indice) aura une bonne notation extra-financière. Plusieurs distributeurs proposent des produits structurés estampillés PAB (pour Paris Aligned Benchmark), dont l’indice sélectionne uniquement des sociétés qui se sont engagées à réduire leurs émissions de CO2 en ligne avec les Accords de Paris. D’autres privilégient des indices dits ESG (environne­mentaux, sociaux et de gouvernance).

.

  • Partager cet article