Lundi 11 juillet 2016

« Problème des produits structurés dans les contrats d’assurance-vie : un expert donne son avis… »

Publié le 11 Juillet 2016 – H24FINANCE

« Franck Magne, spécialiste des produits structurés depuis de nombreuses années pour un grand groupe bancaire, est aujourd’hui à la tête d’Eavest, cabinet de conseil indépendant spécialisé dans la construction, le suivi et l’analyse de produits structurés

 

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Mail envoyé par Franck Magne à ses partenaires :

 

Commentaires sur les produits structurés, le référencement en assurance-vie et les récents articles de presse…

Suite aux différents articles de presse relayant – mal – la décision de la Cour d’Appel de Paris du 21 juin, vous trouverez ci-dessous nos commentaires et explications.

En espérant que cela éclaire votre analyse sur la situation.

« Fin des produits structurés dans l’assurance-vie ! » a récemment titré un journaliste suite à la décision de Cour d’Appel de Paris du 21 juin.

Ah ? Quels produits structurés ? Sous quel format ? Dans quelle assurance-vie ?

Le journaliste fait le jeu de l’avocat qui fait le jeu du sensationnel pour vendre.

Il semblerait que l’avocat attaquant GENERALI pour le compte d’un épargnant a bien orchestré sa communication suite à une décision de la Cour d’Appel de Paris du 21 juin.

Ses déclarations viennent attiser un sujet récurrent concernant les produits structurés.

 

  • Quelle est la décision de la cour d’appel du 21 juin ?

L’assureur GENERALI a été condamné à rembourser à un souscripteur les pertes de son contrat d’assurance-vie liées à un investissement sur un produit structuré entre 2006 et 2012.

La formule du produit structuré n’est pas en question.

Il a respecté à la lettre le fonctionnement qui était décrit dans son prospectus et dans la brochure commerciale.

Non, l’avocat de l’épargnant a attaqué GENERALI sur un vice de forme.

Le « format » du produit structuré ne correspondrait pas à ce qu’autorise le code général des assurances comme actif éligible à un contrat d’assurance-vie.

Ce format qu’a validé toutes les banques émettrices de produit structuré dans le monde, ce format qui a été validé par toutes les compagnies d’assurance-vie françaises et luxembourgeoise, ce format bien connu de l’AMF et de l’ACPR.

Aujourd’hui, 90% des produits structurés lancés sur le marché français ont un format EMTN.

 

  • Mais qu’est-ce qu’un EMTN ?

C’est un acronyme anglais pour Euro Medium Term Note, donc un Titre de Créance en EURO présentant une maturité moyen terme.

Ce Titre de Créance est donc assimilé à un produit de dette émis par un établissement bancaire.

Le pendant français des EMTNs est le BMTN ou Bon à Moyen Terme Négociable.

 

  • Différencier le contenu et le contenant !

Le nom « produits structurés » ne désigne pas le format du produit mais plutôt son contenu.

En effet, un produit structuré peut avoir plusieurs formats de contenant.

Il peut être commercialisé sous un format FCP (Fond Commun de Placement).

Grace à cette enveloppe fonds, il pourra être dans certaines versions éligible au PEA.

Aujourd’hui, seuls les réseaux bancaires français lancent leurs produit structurés sous un format fonds.

En 2016, et depuis plus de 10 ans, les produits structurés sont maintenant émis en format EMTN sur tous les marchés.

Les institutionnels, les banques privées, les asset managers : tous les acteurs financiers utilisent ce format d’émission.

Et il est utilisé en Europe, en Asie et aux Etats-Unis.

Pourquoi ? Il est souple.

Une banque peut construire, émettre et mettre sur le marché à disposition de ses clients un EMTN en 15 jours.

Il est encadré, réglementé et protège l’investisseur.

Les banques ont rédigé des programmes d’émission d’EMTNs et ont demandé aux régulateurs de le valider pour obtenir dans certain cas un passeport européen.

Dans 90% des cas, l’entité de la banque qui émet cet EMTN fait partie de l’Espace Economique Européen.

Le porteur d’EMTN est un créancier obligataire senior sur la banque émettrice.

Il est protégé au même titre que n’importe quel acheteur d’obligation corporate.

L’EMTN peut donc être assimilé à une obligation négociée de gré à gré, à conditions de remboursement et durée de vie variables.

 

  • Placement Privé ou Appel Public à l’Epargne

L’EMTN, comme l’obligation, peut être émis en Placement Privé ou faire l’objet d’un Appel Public à l’Epargne en France ou à l’étranger.

Contrairement à ce qui vient récemment d’être écrit dans un grand quotidien français, même s’ils ont cotés à Luxembourg, les EMTNs peuvent être « encadrés » par l’Autorité des Marchés Financiers.

Pour exemple, tous les produits structurés émis en format EMTN et référencés chez AXA Thema font l’objet d’un Appel Public à l’Epargne.

 

  • Pourquoi parler de « complexe » ?

Il est souvent fait référence au terme « complexe » dans la presse lorsqu’il s’agit de produits structurés.

Le terme n’est pas choisi au hasard.

L’AMF a qualifié les produits structurés de « produits complexes ».

Mais depuis 2008, si le produit structuré contient moins de 3 mécanismes, il pourra faire l’objet d’un Appel Public à l’Epargne visé par l’AMF.

Contrairement à certaines déclarations relayées par la presse, les produits structurés sont de moins en moins complexes.

Déjà, de quels produits structurés parlent-ils ? De quelle famille de produit structuré ? De quel produit structuré en particulier ?

Enfin, il s’agirait d’être cohérent.

Si un simple Autocall sur Euro Stoxx 50 est complexe, que penser de certains fonds dits patrimoniaux ou à risque dit modéré très largement souscrits par les clients patrimoniaux français et qui jouent les devises émergentes ou mettent en place des stratégies optionnelles multi dimensionnelles ?

Qui caractériserait ces fonds de « complexe » ?

 

  • Le risque et les produits structurés

Après le caractère « complexe », le risque.

Alors quel risque pour un produit structuré ?

Il est utile de préciser que la gestion du risque est au cœur de la construction d’un produit structuré.

Le mécanisme de protection en capital en cas de baisse de l’indice de référence est pour nous le principal avantage d’un produit structuré.

Aujourd’hui, aucun autre actif financier ne permet contractuellement de protéger le capital investi en cas de baisse des marchés.

Les OPCVMs ne peuvent que promettre d’essayer de protéger le capital, ils ont une obligation de moyen pas de résultats.

Enfin, les produits structurés bien construits permettent de diviser par 3 la volatilité de leur indice de référence.

Ainsi, dans des conditions normales de marché, un produit structuré type Autocall sur l’Euro Stoxx 50 ne baissera que de 0,30% lorsque l’Euro Stoxx 50 baissera de 1,00%.

Ainsi n’est pas risqué celui que l’on croit.

 

  • Ne pas faire l’amalgame

Revenons sur le produit en cause dans la décision de la Cour d’Appel du 21 juin.

« Optimiz Presto 2 » a été commercialisé en 2006.

Il fait partie des produits commercialisés avant la crise de 2008 et par conséquent avant le durcissement de ton de l’AMF et de l’ACPR.

Parce que la crise de 2008 a bien créé un avant et un après dans la distribution de produits structurés en France.

A partir de 2008, l’AMF et l’ACPR ont exigé plus de transparence et de simplicité pour les produits structurés.

Aujourd’hui, un produit qui présenterait les mécanismes de « Optimiz Presto 2 » ne pourrait plus faire l’objet d’un Appel Public à l’Epargne et ne serait plus référencé dans un contrat d’assurance-vie français.

Un seul sous-jacent, 3 mécanismes de fonctionnement, des protections en capital très fortes sont les points communs de 90% de produits structurés commercialisés en France.

Egalement, les assureurs ont exigé des banques émettrices un engagement à fournir une liquidité sur les produits référencés dans leur contrat d’assurance-vie et ce quel que soit l’environnement de marchés.

Cet engagement, matérialisé par une « Lettre de Liquidité », est toujours présent, enrichi et précisé.

 

  • Poids des produits structurés dans un portefeuille client en France

Même si le poids des produits structurés a tendance à augmenter ces dernières années avec la baisse du fonds euro et une augmentation de la volatilité du marché action, seulement 10% des actifs financiers chez les CGPs ou Banques Privées sont investis en produits structurés.

Et non 40% comme l’affirme un cabinet de conseil dans la presse ces derniers jours.

Oui, les assureurs encouragent les clients à sortir du fonds euro mais il est faux de dire qu’ils présentent les produits structurés comme une alternative au fonds euro.

Ce discours a probablement été tenu par certains dans les années 2000 mais le régulateur a tellement communiqué depuis devant les banques et les assureurs que ce discours a disparu.

S’il était nécessaire de le rajouter, les avenants rédigés par les compagnies d’assurance-vie qu’un épargnant remplit pour souscrire à un produit structuré comporte un nouvel espace.

L’épargnant doit recopier dans cet espace un texte qui précise que l’intégralité de son capital peut être perdu en cas de très forte baisse des marchés.

Après cette précaution prise au moment de la souscription, comment un assureur pourrait proposer un produit structuré comme une alternative à du fonds euro ?

 

  • Des produits « extrêmement lucratifs » pour les banques et les assureurs ?

Oui ! Avant !

Aujourd’hui, une salle de marché gagne entre 0,20% et 1,00% sur le nominal émis d’un produit structuré.

Cette rémunération est bien entendu prise au départ du produit structuré.

Si le produit dure 10 ans, la banque aura gagné au maximum 0,10% par an.

Nous sommes bien loin des frais de gestion annuels de certains OPCVMs.

Pourquoi ? La standardisation des profils des produits structurés et la généralisation des indices actions comme sous-jacent ont très sensiblement tiré les marges vers le bas depuis 2008.

Egalement, de nouveaux acteurs entrants tel que Credit Suisse en 2009 sont venus challenger les acteurs historiques tels que SG ou BNP.

Un assureur qui référence un nouveau produit structuré dans ses contrats gagnera au mieux 0,50% lors de la mise en place du produit.

Puis 0,30% maximum tous les ans.

 

  • Conclusion

Nul doute que les banques et les assureurs vont réagir à la décision de la Cour d’Appel.

Déjà AXA a annoncé suspendre le référencement de nouveaux produits structurés pour prendre le temps de voir comment intégrer cette décision de justice.

Nous pensons qu’une réponse pragmatique devrait être apportée pour continuer de proposer des produits structurés aux épargnants français dans l’assurance-vie.

En effet, comme les actions, les obligations ou les OPCVMs, le produit – bien – structuré a toute sa place dans une allocation d’actifs équilibrée.

 

Franck Magne, Founding Partner d’Eavest »

 

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