Vendredi 05 mars 2021

France, bilan économique 2020 : un peu moins mauvais que si c’était pire… by Valérie Plagnol

Valérie Plagnol intervient une nouvel fois pour Eavest

Le repli de l’activité au quatrième trimestre de 2020, du fait du deuxième confinement, puis du couvre-feu, s’est avéré moins marqué qu’anticipé (-1,3%, après +18,5% au 3ème trimestre), portant la récession pour l’ensemble de l’année à -8,3% par rapport à 2019 (contre 9% initialement anticipés). Dans sa première estimation, l’INSEE note que le confinement, moins strict de fin d’année, a fait la différence : le PIB se contracte de 5% au 4ème trimestre par rapport au 4ème trimestre 2019, alors que la contraction annuelle du Printemps avait été de -18,8%, par rapport à la même période de l’année précédente.


En 2020, la production de biens s’est contractée de 11,2%, la construction a baissé de 13,2%, l’activité des services marchands s’est repliée de 8,2%, celle des services non marchands de 3,1%. La consommation des ménages a baissé de 7,1% (après+1,5% en 2019), l’investissement recule de 9,8% en 2020, contre +4,3% en 2019), le commerce extérieur est en baisse de 1,5% après -0,3% en 2019.

Ces données annuelles, ne rendent pas tout à fait compte des tendances trimestrielles, qui ont été extraordinairement bousculées. Comme le montre le graphique ci-dessus – par rapport à l’année précédente – l’effondrement de l’activité, particulièrement marqué au cours du 1er confinement, a en partie été compensé par le formidable rebond de l’été. Le PIB a reculé de 5,9% puis 13,6% au premier et deuxième trimestre (par rapport au trimestre précédent). La reprise de l’activité au 3ème trimestre a été de 13,6%, pour se contracter de 1,35% en fin d’année (en glissement trimestriel). Au total l’économie française s’est affaiblie de 5% par rapport à 2019.
En fin d’année, la consommation des ménages a souffert de la fermeture de nombreux commerces, les produits finis et les services étant les plus touchés, tandis que la consommation de denrées alimentaires se maintenait. L’investissement, qui s’était redressé dès l’été, a continué de progresser en fin d’année (+2,4% en T4 après +18,2% en T3), grâce notamment à l’immobilier.

2021, au bout du vaccin, la reprise…


En France comme chez la plupart de ses partenaires économiques, le rebond de l’activité reste conditionné à la baisse des contaminations. La vitesse de déploiement des vaccins devient donc l’enjeu crucial de ce début d’année. En attendant, la persistance de la pandémie et des mesures restrictives d’activité, les perspectives de rebond de l’activité pour 2021 ont été revues en baisse. La Banque de France table désormais sur une croissance totale de 5% cette année (contre plus de 6% précédemment). L’indice de confiance des directeurs d’achats (ci-dessous) marque le pas dans les services, qui signalent toujours une contraction de l’activité dans ce secteur. En revanche, on peut noter que la production industrielle résiste et continue de progresser, une tendance que l’on retrouve dans les indicateurs mondiaux.

Comme pour d’autres pays, et comme le montre le graphique ci-dessous, les services ont été particulièrement touchés en France – le tourisme représente 8% du PIB – tandis que le secteur manufacturier résistait mieux – à l’exception de l’aéronautique.


Les mesures budgétaires mises en œuvre ont permis de préserver en grande partie les revenus des ménages : le revenu disponible brut des ménages aurait progressé de 0,5% sur les trois premiers trimestres de l’année 2020, soit un pouvoir d’achat stable. Cette moyenne de rend pas tout à fait compte des disparités de revenus, les quintiles les plus modestes ayant vu leurs revenus baisser, comme certaines professions indépendantes directement touchées par l’arrêt de leurs activités.


Au total les ménages ont accumulé une importante épargne (le surplus est estimé par la Banque de France à 130 milliards d’euros pour 2020), une tendance qui pourrait se poursuivre cette année (bien que dans une moindre mesure). Du côté des entreprises, le taux de marge s’établit en moyenne à 28,8% sur les trois premiers trimestres de l’année passée, contre 33,2 en 2019. Sans surprise, les taux d’épargne et d’autofinancement ont reculé, tandis que l’endettement a progressé grâce notamment à la mise en place des PGE (prêts garantis par l’Etat).


Ainsi, en 2020 le déficit public français s’est envolé à 178 milliards d’euros contre 93 milliards initialement prévus, ce qui le portera à 10,2% du PIB et la dette à 116,4% (contre 3% et 98,1% respectivement en 2019). L’Etat a joué un rôle majeur dans l’absorption du choc provoqué par la « mise sous cloche » de l’économie. La prolongation des mesures d’urgence et de soutien économique aux secteurs encore à l’arrêt, laisse présager du maintien d’un déficit public au-delà de 6% du PIB cette année (graphique ci-dessous), compensé seulement par les effets de la reprise de l’activité. Dans ce contexte, et nonobstant les financements attendus du plan de relance européen (40 milliards d’euros), la France reporte au-delà de 2022 la normalisation budgétaire que les marchés pourraient commencer à lui réclamer.

Plusieurs interrogations demeurent pour cette année : comme le montre le graphique ci-dessous, les faillites des petites et moyennes entreprises ont fortement reculé en 2020, ce qui ne cadre pas avec l’état de la conjoncture et laisse augurer de défaillances à venir au moment de la reprise de l’activité et du retrait des aides publiques. Ceci fait craindre une augmentation supplémentaire du chômage – notamment dans les secteurs des services et des emplois les plus précaires. Ces tendances sont propices à un maintien de l’épargne à des niveaux supérieurs à ce qu’ils étaient en 2019 (actuellement autour de 20% contre 14,9% fin 2019).

2021, le pivot asiatique

Au total, et comme le souligne le FMI dans sa dernière note, l’économie française a particulièrement souffert de la pandémie (graphique ci-dessous). Cependant, et comme l’a montré la reprise au cours de l’été, une fois libérées, les forces vives sont en capacité de produire et de rebondir. Soulignons-le, le choc actuel, n’est comparable ni à une crise économique classique, telle celle de 2008 ou de 1929 (pas d’effondrement durable de l’activité à la suite de l’éclatement d’une bulle de la dette), ni à une guerre (pas de destruction du capital). Elle en revêt néanmoins certains traits : dans le premier cas, le choc extérieur est tel qu’il pourrait se transformer en crise économique et financière, ce que craignaient les Banques Centrales et les Etats, qui sont intervenus massivement pour contrebalancer les effets des confinements. Dans le second, la pandémie et le confinement marquent l’accélération de tendances déjà à l’œuvre – digitalisation, robotisation, réorganisation des chaînes de valeur, avec ou sans guerre commerciale à la clé.

Rappelons également que la pandémie de la Covid-19 a frappé nos économies en « bout de course » d’un cycle de reprise certes modeste, mais particulièrement long, et qui marquait déjà le pas depuis 2018.
Le monde a été soumis à un choc d’offre et de demande quasiment synchrone. Le redressement rapide de la Chine, la reprise de l’activité autour du bassin Pacifique, ont accentué les tendances déjà en place qui voient le monde pivoter vers l’Asie. La signature en fin d’année dernière d’un vaste accord commercial dit RCEP[1], réunissant l’ASEAN, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle Zélande, constitue une zone économique qui représente 30% de la population et du commerce mondial, et ¼ de son PIB.

Pour l’ensemble du monde, le FMI dans sa publication de janvier, table toujours sur un rebond marqué de la croissance mondiale en 2021. Notre tableau de prévisions rend compte de ces perspectives. Celles-ci sont légèrement inférieures aux prévisions du Fonds, car nous prenons en compte les obstacles du début d’année qui risquent de peser sur les prochains mois et reportent encore la reprise, alors que l’immunité collective pourrait être atteinte en fin d’année seulement (et non à l’été) en Europe.


Dans l’ensemble, les perspectives pour 2021, se fondent sur un rebond d’autant plus marqué – et supérieur aux potentiels – qu’ils se compareront aux effondrements de 2020 (amplification de l’effet de base). Ces comparaisons annuelles risquent d’amplifier, sinon déformer, la perception de la reprise, dans la plupart des pays. Il n’est pas certain que tous les pays auront retrouvé leur niveau d’activité d’avant-crise d’ici la fin de l’année. Les secteurs tels que l’aviation civile, ou encore le tourisme ne prévoit de « retour à la normale » que pour 2023 voire 2024.


Notons les points suivants :

– Les scénarios économiques reposent tous sur une maîtrise largement acquise et générale de la pandémie d’ici la fin de l’année.

– Si le choc initial a été quasiment simultané, la récession est d’intensité diverse suivant les pays, et l’Europe a été particulièrement touchée. De plus, elle a accéléré le creusement des inégalités, touchant plus particulièrement les emplois précaires, les services – où le travail féminin est majoritaire – et a renvoyé des centaines de millions de personnes dans l’extrême pauvreté dans les pays émergents.

– La reprise pourrait s’avérer plus erratique et dispersée, et provoquer des tensions sociales et politiques dans certaines régions. – La Chine pourrait avoir retrouvé son niveau d’avant-crise dès cette année. Les Etats-Unis, malgré un bilan humain extrêmement lourd, ont bénéficié d’un plan de soutien important au printemps, puis d’un second plan d’aide à la toute fin de l’année, qui ont permis de limiter la crise, tandis que l’activité industrielle restait vigoureuse. Le Président Joe Biden entend faire adopter un nouveau plan de soutien de 1900 milliards de dollars. Même réduit, il est largement dirigé vers les ménages, et devrait soutenir la consommation au printemps et à l’été.


– Mais surtout l’investissement des entreprises et la production ont bénéficié des baisses de stocks et du rebond de la demande pour les biens de consommation et de l’accélération de la transformation vers la voiture électrique (graphique ci-dessous).


– Le pivot asiatique se confirme, contribution de la Chine et de l’Asie à la croissance mondiale dépasse les 2/3 de la croissance globale.


– Les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis devraient se poursuivre, voire s’intensifier, l’Administration Biden par la voix de sa nouvelle Secrétaire d’Etat au Trésor, Janet Yellen ayant directement mis en cause les pratiques commerciales de l’Empire du Milieu et les violations des droits humains. En réponse, le Président Xi Jinping a évoqué le risque d’une « nouvelle guerre froide », et la partition du monde technologique et commercial. L’Amérique, qui entend renouer avec ses alliés traditionnels en serait le fer de lance.


– La reprise et la forte demande de produits spécifiques tels que les microprocesseurs, créent des tensions sur les prix des matières premières comme de certaines fournitures. La recomposition des chaînes de valeurs pourrait accroître ces tensions.


– Faut-il pour autant craindre le retour de l’inflation ? Les Banques Centrales, considèrent qu’en l’état actuel, ces tensions seraient temporaires au regard de l’écart négatif entre croissance constatée et la croissance potentielle. Aussi, s’engagent-elles à maintenir des politiques monétaires très accommodantes pour cette année.


– A mesure que l’activité repart, les Etats – notamment en Europe – devraient réduire progressivement leurs mesures économiques de soutien. L’Europe a décidé et commencera à répartir entre ses membres, les 750 milliards d’euros du plan de relance économique qui doit accompagner les efforts de redressement et de transition de l’économie en faveur du climat.


– La France, qui a rejoint le « club » des pays endettés au-delà des 100% du PIB, bénéficie toujours de taux d’intérêt d’emprunt négatifs. Le poids de la dette sans envisager de réductions progressives des dépenses ne sera pas stabilisé à court terme.

Valérie Plagnol X EAVEST

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